Le gouvernement s'excuse | Facing History & Ourselves
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Le gouvernement s'excuse

Réfléchissez sur les excuses présentées par le gouvernement du Canada aux Peuples Autochtones au Canada, y compris les excuses publiques présentées par le premier ministre Stephen Harper en 2008.
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À la fin des années 1980, il était maintenant clair que les effets des pensionnats étaient beaucoup plus importants et durables que ce que la plupart des Canadiens non autochtones voulaient admettre. 1  Le gouvernement était réticent à admettre ses torts, même face aux tensions croissantes avec les Peuples Autochtones. En 1988, George Erasmus, chef de l'Assemblée des Premières Nations, a averti le gouvernement canadien que le fait d'ignorer les droits et les revendications territoriales des Peuples Autochtones pouvait mener à la violence. « Nous voulons que vous sachiez », a-t-il dit, « que vous jouez avec le feu. Nous disons au Canada de traiter avec nous aujourd'hui, car nos leaders militants et militantes sont déjà nés. Nous ne pouvons pas promettre que vous aimerez le type d'actions politiques violentes que nous sommes certains que la prochaine génération posera sur nos réserves. » 2

En août 1991, le gouvernement a mis sur pied la Commission royale sur les Peuples Autochtones (CRPA) pour aborder les préoccupations et les problèmes grandissants des Autochtones. Il l'a fait en réponse à la colère croissante dans les collectivités autochtones et à une série de conflits violents. En 1996, après cinq ans de recherches et d'entrevues exhaustives, la Commission a produit un rapport très critique. Le rapport a conclu qu'il était nécessaire de changer fondamentalement la relation entre le gouvernement et les Peuples Autochtones au Canada. Au lieu des politiques gouvernementales paternalistes, la relation entre les deux communautés doit partir « du bon pied, c'est-à-dire en misant sur la reconnaissance, le respect, le partage et la responsabilité. » 3  La CRPA a élaboré un programme étoffé sur 20 ans de changements en lien avec les traités, l'emploi, l'éducation, les soins de santé, les droits des femmes et d'autres enjeux. Son rapport a également débouché sur les premières excuses publiques du gouvernement.

Le 8 janvier 1998, la ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada, Jane Stewart, a présenté des excuses écrites à Phil Fontaine (grand chef de l'Assemblée des Premières Nations à cette époque). C'est ce qui a été appelé Déclaration de réconciliation. Après avoir remercié la Commission, Mme Stewart a déclaré :

Malheureusement, notre histoire en ce qui concerne le traitement des Peuples Autochtones est bien loin de nous inspirer de la fierté. Des attitudes empreintes de sentiments de supériorité raciale et culturelle ont mené à une répression de la culture et des valeurs autochtones. En tant que pays, nous sommes hantés par nos actions passées qui ont mené à l'affaiblissement de l'identité des Peuples Autochtones, à la disparition de leurs langues et de leurs cultures et à l'interdiction de leurs pratiques spirituelles. Nous devons reconnaître les conséquences de ces actes sur les nations qui ont été fragmentées, perturbées, limitées ou même anéanties par la dépossession de leurs territoires traditionnels, par la relocalisation des Peuples Autochtones et par certaines dispositions de la  Loi sur les Indiens . Nous devons reconnaître que ces actions ont eu pour effet d'éroder les régimes politiques, économiques et sociaux des peuples et des nations autochtones...

Un des aspects de nos rapports avec les Peuples Autochtones durant cette période, le système des écoles résidentielles, mérite une attention particulière. Ce système a séparé de nombreux enfants de leur famille et de leur collectivité et les a empêchés de parler leur propre langue, ainsi que d'apprendre leurs coutumes et leurs cultures. Dans les pires cas, il a laissé des douleurs et des souffrances personnelles qui se font encore sentir aujourd'hui dans les collectivités autochtones. Tragiquement, certains enfants ont été victimes de sévices physiques et sexuels... À tous ceux d'entre vous qui ont subi cette tragédie dans les pensionnats, nous exprimons nos regrets les plus sincères. 4

Le gouvernement a créé un fonds de 350 millions de dollars « consacrés à la guérison communautaire rendue nécessaire par suite des blessures causées par les sévices sexuels et physiques exercés dans les pensionnats », en plus d'établir des plans pour le développement communautaire et le renforcement de la gouvernance autochtone. 5 Cependant, de nombreux Peuples Autochtones ont eu le sentiment que la déclaration venait trop tard et que les dédommagements offerts étaient insuffisants. Les Survivantes et les Survivants des pensionnats estimaient qu'un règlement plus complet et plus juste était nécessaire, accompagné d'excuses plus officielles du gouvernement.

En général, les communautés autochtones et leurs représentants et représentantes ont estimé que le dédommagement ne répondait pas à leurs attentes; ils s'attendaient à un montant plus élevé et à un engagement à aider les gens avec leurs revendications territoriales et leurs défis sociaux et culturels. Pour plusieurs, l'enjeu était plus grand que les pensionnats, et les excuses de Mme Stewart n'étaient pas suffisantes.

Pendant des années, les finissants des pensionnats ont poursuivi individuellement le gouvernement, sur la base des abus physiques et mentaux perpétrés par leurs enseignants. Les efforts pour régler ces réclamations étaient en cours en 2003 (sur la base de poursuites individuelles), mais les leaders autochtones étaient laissés de côté. En réponse, en 2005, Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières Nations (APN), a intenté une action collective au nom des Survivantes et des Survivants des Premières Nations. 6

Après de longues négociations, les demandeurs ont accepté de régler hors cour en signant la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens  (CRRPI) en 2006 avec des représentants des églises et des Peuples Autochtones. Dans le cadre de cette convention, le gouvernement s'est engagé à amorcer un processus de réconciliation  avec les anciens élèves et les Survivantes et les Survivants des pensionnats. Conformément aux demandes des demandeurs, la convention incluait des excuses du gouvernement, un programme de dédommagement et une Commission de vérité et réconciliation dont les travaux ont commencé en 2007. Le 11 juin 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses publiques devant une séance conjointe du Parlement et des représentants et représentantes des Premières Nations, des Métis et des Inuits, qui se sont présentés vêtus de leurs habits traditionnels. Il a déclaré :

Le traitement des enfants dans ces pensionnats est un triste chapitre de notre histoire... Le système des pensionnats indiens avait deux principaux objectifs : isoler les enfants et les soustraire à l'influence de leurs foyers, de leurs familles, de leurs traditions et de leur culture, et les intégrer par l'assimilation dans la culture dominante. Ces objectifs reposaient sur l'hypothèse que les cultures et les croyances spirituelles des Autochtones étaient inférieures. D'ailleurs, certains cherchaient, selon une expression devenue tristement célèbre, « à tuer  l’Indien  au sein de l'enfant ».

Aujourd'hui, nous reconnaissons que cette politique d'assimilation était erronée, qu'elle a fait beaucoup de mal et qu'elle n'a aucune place dans notre pays... Le gouvernement reconnaît aujourd'hui que les conséquences de la politique sur les pensionnats indiens ont été très néfastes et que cette politique a causé des dommages durables à la culture, au patrimoine et à la langue autochtones...

L'héritage laissé par les pensionnats indiens a contribué à des problèmes sociaux qui persistent dans de nombreuses communautés aujourd'hui. Il a fallu un courage extraordinaire aux milliers de survivants qui ont parlé publiquement des mauvais traitements qu'ils ont subis. Ce courage témoigne de leur résilience personnelle et de la force de leur culture... Alors, au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens et Canadiennes, je me lève devant vous, dans cette chambre si vitale à notre existence en tant que pays, pour présenter nos excuses aux peuples autochtones pour le rôle joué par le Canada dans les pensionnats pour indiens.

Aux quelque 80 000 anciens élèves toujours en vie, ainsi qu'aux membres de leurs familles et à leurs communautés, le gouvernement du Canada admet aujourd'hui qu'il a eu tort d'arracher les enfants à leurs foyers et s'excuse d'avoir agi ainsi. Nous reconnaissons maintenant que nous avons eu tort de séparer les enfants de leur culture et de leurs traditions riches et vivantes, créant ainsi un vide dans tant de vies et de communautés, et nous nous excusons d'avoir agi ainsi... Le fardeau de cette expérience pèse sur vos épaules depuis beaucoup trop longtemps.

Ce fardeau nous revient directement, en tant que gouvernement et en tant que pays... Le gouvernement du Canada présente ses excuses les plus sincères aux peuples autochtones du Canada pour avoir si profondément manqué à son devoir envers eux, et leur demande pardon. Nous le regrettons. 7

Questions de mise en relation

  1. En réfléchissant aux excuses que l'on vous a personnellement présentées, lesquelles étaient sincères et lesquelles ne l'étaient pas? Pouvez-vous nommer des exemples où le langage utilisé dans les excuses a eu un effet sur votre sentiment à leur égard?
  2. Relisez l'extrait de la Déclaration de réconciliation. Pour quoi le gouvernement s'est-il excusé? Pour quoi le gouvernement assumait-il la responsabilité? Est-ce que Jane Stewart (qui a prononcé le discours) peut s'excuser pour les actions passées du gouvernement?
  3. Dans les excuses de M. Harper, pour quoi le gouvernement s'excuse-t-il exactement? En lisant la déclaration, est-ce que le gouvernement semble prendre la pleine responsabilité? Si oui, pour quoi?
  4. Seulement un an après les excuses, lors d'un sommet du G20 à Pittsburgh, en Pennsylvanie, M. Harper a exprimé son sentiment de fierté par rapport au Canada et à l'histoire canadienne. Il a déclaré :

    Nous sommes tellement effacés en tant que Canadiens que nous en oublions parfois les actifs que nous avons et que les autres voient... Nous avons l'un des régimes les plus stables de l'histoire... Nous n'avons pas d'antécédents coloniaux... Nous avons donc toutes les choses que de si nombreuses personnes admirent des grandes puissances, mais aucune des choses qui les menacent ou les dérangent... Le Canada est assez grand pour faire une différence, mais pas assez grand pour menacer qui que ce soit. Et c'est un grand avantage s'il est bien utilisé. 8

    Est-ce que cette déclaration contredit ses excuses? Si vous pouviez lui parler des deux déclarations publiques, que diriez-vous? Quelles questions voudriez-vous poser?

  • 1John S. Milloy, « The Early Indian Acts: Developmental Strategy and Constitutional Change », dans Sweet Promises: A Reading on Indian–White Relationships in Canada, éd. J. R. Miller (Toronto: University of Toronto Press; 1991), 56–58.
  • 2« Standoff at Oka », site Web de CBC, consulté le 17 novembre 2014.
  • 3« À l'aube d'un rapprochement », site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, consulté le 11 novembre 2014.
  • Loi sur les IndiensPromulguée par le gouvernement fédéral en 1876, la Loi sur les Indiens regroupait toutes les lois précédentes sur les Premières Nations et les a fait passer sous compétence fédérale. Cette loi a créé le terme Indien en tant que catégorie juridique et a défini le statut d'Indien (Indien inscrit), qui excluait les Inuits et les Métis. Elle a donné au gouvernement, par l'entremise du ministère des Affaires indiennes, le pouvoir de créer des lois et des politiques concernant les « Indiens » et les « affaires indiennes » comme l'appartenance, l'infrastructure et les services des réserves, les systèmes de gouvernance, la culture et l'éducation.
  • 4Gouvernement du Canada, « Déclaration de réconciliation, dans « Discours de l'honorable Jane Stewart... à l'occasion du dévoilement de Rassembler nos forces : le plan d'action du Canada pour les questions autochtones », 7 janvier 1998, site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, consulté le 11 novembre 2014.
  • 5Gouvernement du Canada, « Déclaration de réconciliation, dans « Discours de l'honorable Jane Stewart... à l'occasion du dévoilement de Rassembler nos forces : le plan d'action du Canada pour les questions autochtones », 7 janvier 1998, site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, consulté le 11 novembre 2014.
  • 6« AFN National Chief Files Class Action Claim Against the Government of Canada for Residential Schools Policy », MediaNet, 3 août 2005, consulté le 17 novembre 2015.
  • Convention de règlement relative aux pensionnats indiensSignée par le gouvernement et des représentants des Peuples Autochtones en 2006, la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a amorcé un processus de réconciliation avec les anciens élèves des pensionnats. Elle prévoyait des excuses du gouvernement, un programme de dédommagent et la mise en place d'une commission de vérité et réconciliation. Le dédommagement des anciens élèves a pris la forme d'une compensation financière : deux milliards $ ont été mis de côté pour environ 86 000 élèves survivants (sur environ 150 000 élèves en tout).
  • réconciliationTerme populaire chez les activistes et les chercheurs du domaine de l'histoire et des questions autochtones, réconciliation fait référence au geste de réparer une relation brisée ou endommagée entre deux parties. Au Canada, il fait référence à la réconciliation entre les Peuples Autochtones et les descendants des colons européens du Canada par la recherche de la vérité, l'éducation et les efforts pour restaurer l'autonomie et la culture autochtones.
  • l’IndienLorsque les premiers explorateurs européens sont débarqués en Amérique en 1492 avec Christophe Colomb, ils appelaient toutes les populations autochtones du continent des « Indiens », parce qu'ils croyaient être arrivés en Inde. Le terme s'est répandu chez les colons, et il regroupait des populations locales entières, sans égard à leur grande diversité. Finalement, le nom Indien a servi à faire une distinction entre les Peuples Autochtones et les colons, qui se sont successivement désignés comme des Européens, des blancs, puis comme des Canadiens.
  • 7« Présentation d'excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens », site Web du gouvernement du Canada, consulté le 31 mai 2017.
  • 8David Ljunggren, « Every G20 Nation Wants to be Canada, Insists PM », Reuters, consulté le 17 novembre 2014

How to Cite This Reading

Facing History & Ourselves, "Le gouvernement s'excuse," last updated October 31, 2019.

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— Claudia Bautista, Santa Monica, Calif