Les premiers jours | Facing History & Ourselves
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Les premiers jours

Albert Canadien raconte sa première journée dans un pensionnat autochtone et l’assimilation qu’il a vécue.    
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  • Culture & Identity
  • Human & Civil Rights

À quoi les premières étapes de l'« assimilation » ressemblaient-elles dans la pratique? De quelle façon les écoles ont-elles commencé à briser le lien des élèves avec leurs communautés autochtones?

Une première journée typique dans un pensionnat commençait par le retrait de l'identité autochtone et la présentation des nouveaux règlements et du style de vie que les enfants devaient adopter. L'extrait suivant est tiré du livre d'Albert Canadien intitulé From Lishamie, dans lequel il relate son premier jour à l'école catholique de Fort Providence.

Jusque-là, je n'avais pas eu peur, mais l'apparition soudaine des Sœurs m'a effrayé. Avant que je ne puisse réfléchir, ma mère a lâché ma main et les Sœurs Grises m'ont guidé dans le parloir. La réalité m'a frappé : on m'enlevait à mes parents! J'ai commencé à pleurer et j'ai essayé de m'accrocher au cadre de porte pendant que les Sœurs me tiraient vers elle. Essayant de son mieux de me consoler, ma mère m'a promis qu'elle reviendrait me voir bientôt. Dans l'intervalle, ma sœur avait déjà été emmenée. Elle avait déjà été ici et savait ce que l'on attendait d'elle; elle a donc ramassé son sac et suivi les Sœurs dans la section réservée aux filles de l'immeuble. Je suis certain qu'elle a entendu mes cris et mes pleurs...

J'ai passé ma première journée au pensionnat avec les autres nouveaux garçons. Certains parmi nous étaient silencieux et effrayés, les larmes aux yeux ne sachant pas trop quoi faire. Certains garçons sanglotaient de façon incontrôlable. Les deux Sœurs qui supervisaient les garçons nous ont rassemblés au premier étage de l'immeuble dans une grande pièce avec des bancs le long des murs. C'était la salle de récréation des garçons. De là, nous avons été menés en une seule file au deuxième étage dans un grand dortoir où l'on nous a attribué un lit. Un des garçons plus âgés, qui était déjà passé par un pensionnat avant, agissait comme interprète pour nous. On nous a dit de nous déshabiller, de mettre nos vêtements sur notre lit et de nous préparer au bain.

Une fois dans le bain, la Sœur a versé un liquide vert sur notre tête et notre corps et nous nous sommes lavés. On nous a enlevé nos vêtements et nos objets personnels, puis on nous a remis une salopette en denim. Nous allions la porter pour le jeu et le travail pendant toute la durée de notre séjour au pensionnat....

Lorsque les Sœurs sont revenues, l'une d'elles a fait un geste pour nous indiquer de nous remettre en file. Nous avons ensuite suivi l'autre Sœur à l'extérieur de la pièce et nous sommes descendus au sous-sol pour le souper.

La salle à manger était une grande aire ouverte. Un piano ou un orgue trônait contre le mur au milieu de la salle. Il s'agissait plus ou moins de la ligne de démarcation entre les aires de repas des garçons et des filles. L'aire des filles était d'un côté de la pièce et celle des garçons de l'autre. Nous étions assis sur des bancs le long des tables. J'ai levé les yeux quand les filles sont entrées et j'ai essayé d'apercevoir ma sœur, sans succès. J'ai posé mon regard sur l'assiette en émail devant moi sur la table. Elle servait aussi de bol pour la soupe et le gruau. Je ne pouvais pas beaucoup manger, car j'avais une bosse dans la gorge. J'ai continué à penser à mes parents, je m'ennuyais vraiment et j'ai recommencé à pleurer. Les Sœurs ne faisaient pas trop attention à moi, peut-être parce que j'étais nouveau au pensionnat. Elles savaient aussi que j'étais là pour rester, peu importe ce qui allait se passer.

Après le souper, nous nous sommes levés et avons récité les grâces, comme nous l'avions fait avant le souper. Encore une fois, je ne comprenais pas ce qui était dit. J'allais apprendre et mémoriser cette prière du repas en français et en anglais. Plus tard, nous avons même chanté les grâces en français avant les repas. Nous chantions ou récitions les grâces, selon la Sœur qui supervisait le repas.

L'heure du coucher a été le moment le plus difficile pour moi en cette première soirée. J'étais habitué de dormir à une longueur de bras de mon père. Mais ce soir-là, j'allais dormir seule dans un endroit inconnu et j'avais peur. Le dortoir n'était pas grand, mais pour un petit garçon de sept ans, il était immense et intimidant. Les murs et le plafond du dortoir me semblaient très hauts, beaucoup plus hauts que les murs de notre maison en bois rond. C'était un grand changement pour moi que de passer de ma maison en bois rond de Lishamie à la grande maison des sœurs. 1

Dans son livre sur l'expérience des enfants Mi’kmaq au pensionnat de Shubenacadie, Isabelle Knockwood raconte ce moment de transformation comme elle et sa sœur Rosie l'ont vécu. Peu après avoir regardé sa mère partir, elle écrit,

« On nous a enlevé nos vêtements et on nous a mises dans un bain. Quand nous sommes sorties, on nous a donné de nouveaux vêtements arborant des rayures noires et blanches verticales. Beaucoup plus tard, j'ai découvert que ces vêtements étaient presque identiques aux vêtements de prisonnier de l'époque. On nous a aussi donné des numéros. J'ai reçu le numéro 58 et Rosie le 57. Nos vêtements étaient tous marqués à l'encre de Chine noire : nos chemises, jupes, bas, culottes, serviettes et débarbouillettes, tout sauf la literie portait notre marque. Ensuite, ce fut la coupe de cheveux. Rosie a perdu ses bouclettes; on nous a coupées les cheveux courts au-dessus des oreilles, presque entièrement droits. Rosie m'a emmené aux toilettes... Il y avait deux grands miroirs à chaque extrémité de la pièce. Susie s'est arrêtée et m'a laissé me regarder. J'ai éclaté de rire parce que j'avais un air tellement différent, et ma sœur aussi... 2

  • 1Albert Canadien, From Lishamie (Canada: Gauvin Press, 2012), 50–54. Reproduit avec l'autorisation de Theytus Books.
  • 2Cité dans Isabelle Knockwood, Out of the Depths: The Experiences of Mi’Kmaw Children at the Indian Residential School at Shubenacadie, Nova Scotia (Lockport: Roseway Publishing, 1994), 28.

Cette photographie de 1922 illustre des étudiants de l’école de Fort Simpson dans les Territoires du Nord-Ouest qui tiennent des lettres formant le mot « Goodbye » (au revoir en français). Pour la plupart des étudiants, le fait d’entrer dans un pensionnat autochtone signifiait dire au revoir à leur famille, leur langue et leur culture.

Credit:
J. F. Moran / Library and Archives Canada / PA-102575

Questions de mise en relation

  1. Décrivez la première journée au pensionnat d'Albert Canadien. Quels mots et quelles images utilise-t-il pour aider le lecteur à comprendre l'expérience de son point de vue?
  2. L'introduction à cette lecture comprend le mot assimilation entre guillemets et pose la question à savoir à quoi l'« assimilation » ressemblait en pratique. Quels mots M. Canadien aurait-il pu utiliser au lieu du mot assimilation pour décrire son expérience?
  3. M. Canadien raconte une série de détails sur sa première journée. Selon vous, pourquoi donne-t-il autant de détails? Qu'essaie-t-il de dire au lecteur?
  4. Comment les enseignants essayaient-ils de changer l'identité de M. Canadien? Que perd-on quand on nous force à changer notre identité aussi violemment?
  5. Selon vous, pourquoi les élèves étaient-ils forcés de subir des changements physiques aussi drastiques que ceux décrits par Isabelle Knockwood? Selon vous, quel est le but des vêtements identiques? Des coupes de cheveux? Des numéros attribués?
  6. Comment expliquez-vous que Mme Knockwood ait ri en se voyant dans le miroir? Comment pouvait-elle se sentir?

How to Cite This Reading

Facing History & Ourselves, "Les premiers jours," last updated October 29, 2019.

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Using the strategies from Facing History is almost like an awakening.
— Claudia Bautista, Santa Monica, Calif