Tuer l'Indien dans l'enfant | Facing History & Ourselves
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Tuer l'Indien dans l'enfant

Apprenez-en plus sur l’objectif de l’assimilation des Peuples Autochtones, tel que préconisé par plusieurs personnes au Canada à l’époque coloniale ainsi que sur son influence sur l’élaboration du système des pensionnats autochtones.    
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  • Culture & Identity
  • Genocide

Vers la deuxième moitié du 19e siècle, les colons européens étaient de plus en plus préoccupés par l'avenir de l'intégration et de l’assimilation des populations autochtones au Canada. 1  Ces préoccupations découlaient de la frustration des colons face à la persistance de ce qu'ils appelaient « le problème indien ». Les attentes voulant que les groupes autochtones abandonnent simplement leur mode de vie et adoptent les langues et la culture européennes ne s'étaient pas matérialisées. La frustration montait de façon proportionnelle au désir de dégager le chemin pour les nouveaux colons, un objectif qui pouvait seulement être atteint en retirant les communautés autochtones de leurs terres ou en les assimilant et en les forçant à abandonner leurs droits territoriaux en tant que peuples distincts. Les expériences concernant l'éducation dans les réserves ou à proximité de celles-ci n'avaient pas réussi à forcer les enfants à abandonner leur culture et leur mode de vie traditionnel. Selon un rapport gouvernemental, les élèves n'avaient pas « ramené chez eux le désir de propager l'éducation reçue au sein de leur communauté. Ils sont toujours aussi heureux de vivre de façon aussi désinvolte... Leurs actions sont teintées de la même apathie et de la même indolence que chez le reste des Indiens. » 2  Ainsi, tant aux États-Unis qu'au Canada, une nouvelle idée a commencé à s'implanter : les enfants autochtones devaient être enlevés à leurs parents et éduqués séparément dans des pensionnats afin que leur famille, leurs traditions et leurs coutumes ne nuisent pas à leur assimilation.

Cependant, ces établissements n'allaient pas s'inspirer du modèle des pensionnats traditionnels de la haute société britannique. Pour plusieurs, les pensionnats autochtones allaient représenter une combinaison d'asiles pour les pauvres victoriens, d'établissement pénal et de séminaire religieux. Le premier ministre sir John A. Macdonald, qui était également ministre des Affaires indiennes, a mandaté Nicholas Flood Davin, journaliste, avocat et politicien, pour aller à Washington, DC, en 1879. Davin y a été envoyé pour se renseigner sur la politique de « civilisation agressive » des Amérindiens aux États-Unis, où l'idée de séparer, d'éduquer et d'assimiler les enfants autochtones avait récemment été mise en pratique. 3  L'élément central de cette politique était un système « d'écoles industrielles » où l'enseignement religieux et l'enseignement des métiers étaient combinés pour aider les Améridiens à s'adapter aux exigences de la société occidentale.Dans un rapport confidentiel de 1879 au gouvernement canadien appelé Rapport sur les écoles industrielles pour les Indiens et les Sangs mêlés, Davin conseillait au Canada de suivre ce modèle (la distinction entre les écoles industrielles et les pensionnats est abordée dans le chapitre Législation pour les pensionnats de la section contexte historique de ce livre, mais essentiellement, ces établissements étaient les mêmes). Son rapport, ensuite connu sous le nom de Rapport Davin, est devenu le « document fondateur qui précise les modalités selon lesquelles les écoles industrielles allaient fonctionner pendant presqu'un siècle ». 4  Il incluait ce qui suit :

Les écoles industrielles sont la pierre angulaire d'une politique reconnue comme celle d’une « civilisation agressive ». En 1869, le président Grant a mis de l'avant cette politique. Toutefois, comme on pourra le constater, l’efficacité des écoles industrielles était déjà depuis longtemps prouvée. Se conformant à la recommandation du Président, le Congrès a adopté une loi au début de 1869, prévoyant la nomination de la Commission de la paix. Cette commission a recommandé que les Indiens, dans la mesure pratiquement possible, soient regroupés dans un petit nombre de réserves et soient logés « dans des maisons individuelles permanentes »; que la relation tribale soit abolie; que des terres leur soient allouées en possession individuelle et non collectivement; que l'Indien devienne rapidement un citoyen des États-Unis, bénéficiant de la protection de la loi, et en conséquence, responsable devant la loi; que, finalement, ce soit l'obligation du gouvernement de fournir aux Indiens toute l'aide raisonnable dans leur préparation à être citoyens en leur enseignant les métiers et techniques industrielles et les rudiments de la civilisation... À partir de 1869, des efforts intensifs à visées éducatives ont été mis en œuvre. Or il a été constaté que l’école de jour ne permettait pas d'atteindre les résultats recherchés du fait que l'influence du wigwam était plus forte que celle qu'ils subissaient pendant la journée à l’école. C’est pourquoi des pensionnats axés sur l’enseignement de métiers ont été créés; ils sont maintenant nombreux et ils seront bientôt généralisés. Les organismes n’ayant pas d’écoles industrielles réclament à grands cris et de façon persistante leur établissement afin de répondre aux besoins.

L’expérience des États-Unis se compare à la nôtre en ce qui a trait à l’Indien adulte. Il y a peu qu’on puisse faire avec lui. Il peut apprendre à exécuter quelques travaux agricoles et l’élevage de bestiaux, ainsi qu’à s’habiller d’une façon un peu plus civilisée, mais c’est tout. L’enfant fréquentant l’école de jour apprend peu lui aussi et il oublie bien vite ses quelques connaissances acquises vu qu’il est façonné par son milieu familial et son aversion héritée pour le dur labeur n’y est en aucune façon opposée...

Le caractère indien, si mystérieux pour certains n'est pas difficile à comprendre. On parle parfois de l'Indien comme d'un enfant, mais il est très loin d'être un enfant... L'Indien est un homme avec ses propres traditions, pour qui la civilisation est un casse-tête désespérant. Il est tout aussi capable que les autres races de suspicion, de défiance, de blâme, de manque de sincérité et de flatterie. Il est astucieux, mais conscient de la faiblesse de ses astuces par rapport à la ruse supérieure de l'homme blanc... 5

Davin et sa génération croyaient en ce que J. A. Macrae, l'inspecteur du ministère des Affaires indiennes pour le Nord-Ouest a déclaré en 1886:

Les conditions d'existence de l'Indien l'empêchent de suivre le fil de l'évolution qui a fait des barbares du passé les hommes civilisés d'aujourd'hui. Il est impossible pour lui de passer lentement à travers les étapes successives de la vie pastorale à la vie agricole et de la vie agricole à la fabrication ou au commerce comme nous l'avons fait. On lui a demandé de façon soudaine et sans avertissement d'entrer dans une nouvelle existence. Sans l'aide du gouvernement, il aurait échoué et péri misérablement, ce qui aurait entraîné des dépenses pour le pays et la disgrâce de notre patrie. 6

À son apogée, le système de pensionnats était dirigé par un « assimilationniste » extrême du nom de Duncan Campbell Scott. 7  Scott, un fonctionnaire du ministère des Affaires indiennes, est largement reconnu comme le plus ardent partisan des pensionnats et des politiques associées à ceux-ci : le retrait, avec leur consentement ou par la force, de dizaines de milliers d'enfants autochtones de leur foyer, certains aussi jeunes que deux à quatre ans; les tentatives de priver ces enfants de tout lien avec leurs parents; l'établissement d'un système sous-financé et volontairement négligent où des milliers d'enfants ont péri en raison de la malnutrition, de soins médicaux inadéquats et de maladies; la création d'un système d'éducation où le travail des enfants était la norme et où la réussite scolaire était gravement compromise; et le manque constant de supervision et de reddition de comptes dans un système où les abus physiques et sexuels étaient généralisés.

En 1920, Scott a également poussé et adopté une modification à la Loi sur les Indiens qui rendait la fréquentation de l'école obligatoire pour tous les enfants des Premières Nations âgés de 15 ans et moins. 8  Malgré le fait qu'il estimait que l'éducation à elle seule n'était pas suffisante pour civiliser les Peuples Autochtones au Canada, il militait fortement en sa faveur. Lorsqu'il a ordonné la fréquentation obligatoire de l'école en 1920, il a déclaré,

« Je veux me débarrasser du problème indien. En fait, je ne crois pas que ce pays se doit de continuer à protéger une classe de gens qui sont incapables d'être autonomes... Notre but est de continuer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un seul Indien au Canada qui ne soit assimilé à notre société, qu'il n'y ait plus de question indienne, ni de ministère des Indiens. » 9

  • 1Le titre de cette lecture est « Tuer l'Indien dans l'enfant », une citation souvent attribuée de façon erronée à Duncan Campbell Scott, bien que ses actions en tant que directeur du ministère des Affaires Indiennes de 1913 à 1932 indiquent qu'il aurait probablement été d'accord avec cette idée.
  • 2Report of the Special Commissioners Appointed to Investigate Indian Affairs in Canada, Journals of Legislative Assembly of the Province of Canada from 25th of February to 1st June 1858, appendix no. 21, part 3, session 1853, cité dans John Milloy, A National Crime, 18.
  • 3Cette politique, écrit l'anthropologue Derek G. Smith, « a été formulée après la guerre civile par l'administration du président Ulysses S. Grant... et a été adoptée en tant que loi par le Congrès au début de 1869. See Derek G. Smith, « The ‘Policy of Aggressive Civilization’ and Projects of Governance in Roman Catholic Industrial Schools for Native Peoples in Canada, 1870–95 », Anthropologica 43 (2001), 254.
  • 4Derek G. Smith, « The ‘Policy of Aggressive Civilization’ » 254.
  • 5Nicholas Flood Davin, Rapport sur les écoles industrielles pour les Indiens et les Sangs mêlés (1879), dans., Reconciling Canada: Critical Perspectives on the Culture of Redress, éd. Jennifer Henderson et Pauline Wakeham (Toronto: University of Toronto Press, 2013), 229–301.
  • 6Cité dans John Milloy, A National Crime, 27.
  • 7Scott a été fonctionnaire pendant la plus grande partie de sa vie et a été impliqué dans les affaires indiennes tout au long de sa carrière (il a notamment négocié l'un des traités). Il a occupé le poste de surintendant adjoint général des Affaires indiennes de 1913 à 1932 et a supervisé la direction des pensionnats. Scott, un poète canadien reconnu, appréciait certains éléments de la culture autochtone, mais il a contribué directement à sa destruction, peut-être même plus que quiconque. Voir Nancy Chater, « Technologies of Remembrance: Literary Criticism and Duncan Campbell Scott’s Indian Poems » (thèse de maîtrise, Université de Toronto, 1999), 25–26. De plus, en 1924, il a proposé une modification à la Loi sur les Indiens qui a été adoptée et qui interdisait aux Autochtones d'embaucher un avocat sans l'approbation du ministère des Affaires indiennes pour les représenter dans le cadre de leurs revendications en matière de terres et de souveraineté. Pour cela et de nombreux autres gestes, Scott est appelé par les experts « l'architecte des politiques indiennes » pendant les premières décennies du 20e siècle. Voir également Brian Titley, A Narrow Vision: Duncan Campbell Scott and the Administration of Indian Affairs in Canada (Vancouver: University of British Columbia Press, 1986), 22.
  • 8 Brian Titley, A Narrow Vision: Duncan Campbell Scott and the Administration of Indian Affairs in Canada (Vancouver: University of British Columbia Press, 1986), 91–92. En raison de la modification, l'inscription des Autochtones est passée à environ 17 000 dans toutes les écoles et à plus de 8 000 dans les pensionnats à la fin de son mandat. Selon les rapports de Scott, à ce moment, 75 % des enfants autochtones étaient inscrits dans une école, un taux qu'il a attribué à une volonté croissante chez ces enfants de suivre une éducation occidentale. Clairement, le fait que l'éducation était maintenant obligatoire, et que depuis 1930, elle incluait tous les enfants de 7 à 16 ans, avait quelque chose à voir avec des chiffres.
  • 9Archives nationales du Canada, groupe d'archives 10, vol. 6810, dossier 470-2-3, vol. 7, 55 (L-3) et 63 (N-3).

Questions de mise en relation

  1. Définissez le mot assimilation. Qu'est-ce que l'intégration? Quelles sont les ressemblances et les différences dans la signification de ces deux mots? Plusieurs dirigeants du système d'éducation dans cette lecture sont décrits comme des assimilationnistes. Quels étaient leurs objectifs?
  2. Pourquoi Davin et ses contemporains pensaient-ils que les Peuples Autochtones  devaient être civilisés? Selon Davin, qu'était la « civilisation agressive »?
  3. Que voulait dire Davin lorsqu'il a déclaré que « l'influence du wigwam était plus forte que celle qu'ils subissaient pendant la journée à l’école »? Qu'est-ce que cela signifiait pour la politique d'éducation qu'il a recommandée?
  4. Quelle opinion Davin avait-il des Peuples Autochtones? Quels étaient les obstacles à leur assimilation? Pour quel type d'enseignement Davin militait-il?
  5. Selon la citation de Duncan Campbell Scott, quel était l'objectif des pensionnats? Quelle vision de la société canadienne est reflétée dans ce paragraphe?
  • AutochtonesTerme dont l'étymologie est liée au terme latin du milieu du dix-septième siècle aborigines, qui signifie « premiers habitants ». Autochtone est le terme juridique privilégié au Canada pour le grand groupe diversifié des Premières Nations, des Métis et des Inuits.

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Facing History & Ourselves, "Tuer l'Indien dans l'enfant," last updated October 29, 2019.

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— Gabriela Calderon-Espinal, Bay Shore, NY