Châtiment et sévices | Facing History & Ourselves
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Châtiment et sévices

Lisez les souvenirs d’anciens élèves sur l’utilisation fréquente des châtiments corporels dans les pensionnats autochtones.
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  • Culture & Identity
  • Human & Civil Rights

L'éducation autochtone traditionnelle, notamment la réponse des adultes aux mauvais comportements, incluait rarement les châtiments physiques. En revanche, de nombreuses méthodes utilisées par le personnel et les enseignants des pensionnats pour discipliner les élèves comportaient de sévères châtiments corporels. Certaines formes de châtiment corporel étaient acceptées en Europe et en Amérique du Nord britannique et étaient fréquentes dans les internats d'élite de l'Angleterre à cette époque. Mais les pensionnats n'étaient pas des internats d'élite, et pour de nombreux élèves, les châtiments physiques subis dans les pensionnats étaient des sévices physiques. Au lieu de préparer les élèves à la vie après l'école, de nombreux pensionnats les ont exposés à un mélange de négligence volontaire et de sévices qui a eu des répercussions négatives sur le reste de leur vie.

La ligne entre le châtiment et les sévices était souvent franchie. De nombreuses personnes au sein de l'administration des écoles croyaient qu'il fallait briser l'esprit d'indépendance des élèves pour leur faire accepter leur nouveau mode de vie. Les élèves qui ne respectaient pas les horaires et les règlements de l'école étaient frappés avec des ceintures ou fouettés, et souvent humiliés devant leurs camarades. On coupait les cheveux très courts à ceux qui essayaient de s'échapper des écoles. En fait, les élèves coupables de telles infractions étaient enfermés pendant de longues heures, voire même des jours, dans un placard noir et isolé, souvent sans véritable nourriture. 1 (La coupe des cheveux le premier jour d'école ou comme châtiment avait une signification profonde. Les cheveux longs ont une signification puissante et spirituelle dans les cultures autochtones. Pour plusieurs, les cheveux sont un prolongement de l'esprit d'une personne et le reflet de sa force et de sa beauté. La longueur et le style des cheveux servaient également à distinguer les différentes nations autochtones. Et symboliquement, la coupe des cheveux par un ennemi constituait un acte d'humiliation et de soumission forcée. 2 )

Le personnel de l'Institut mohawk avait même construit une cellule de prison pour ceux qui tentaient de s'échapper. 3 En fait, la désobéissance et la fuite étaient les deux formes de résistance les plus courantes à la sévère discipline étrangère. Dans les années 1990, alors que la lumière était faite sur le traitement réservé aux élèves autochtones, il est devenu évident que la discipline et les châtiments pouvaient facilement mener à des sévices physiques. Et puisque le comportement abusif de certains membres du personnel des pensionnats était dissimulé, certains infligeaient régulièrement des sévices à leurs étudiants, tant sexuels que physiques. 4

Geraldine Sanderson, qui a fréquenté la résidence autochtone Gordon en Saskatchewan de 1959 à 1964, parle du désir de ses camarades de retourner à la maison. Toutefois, ils sont peu nombreux à avoir réussi, car les écoles se trouvaient souvent dans des régions isolées, et les châtiments infligés à ceux qui étaient pris étaient très sévères. Elle explique :

La résidence autochtone Gordon est un établissement anglican. Lorsque j'y étais, les élèves recevaient la confirmation à l'âge de 13 ans. 5

C'était un grand événement. Tout le monde recevait la confirmation.

J'ai fréquenté la résidence Gordon de 1959 à 1964. J'avais neuf ans quand je suis arrivée. Chaque année, un gros autobus venait nous chercher à la réserve pour nous emmener à l'école. Le trajet de la réserve James Smith à Gordon durait trois heures. C'était très loin de la maison. J'étais une très petite fille. Je suis devenue très solitaire.

Une fois de temps en temps, des élèves s'enfuyaient et essayaient de retourner à la maison. Ils voyageaient de nuit, se nourrissant de légumes et de fruits poussant dans les jardins traversés en cours de route. Une fois, nous avons même pris un poney dans la cour d'un fermier et l'avons chevauché pendant plusieurs nuits en essayant de revenir à la maison. Nous y arrivions rarement; habituellement, on nous attrapait. Puis nous étions punis.

Les châtiments pour la fuite variaient. Un garçon a été traîné par le directeur devant tous les élèves regroupés. Il avait la réputation d'être méchant. Il a forcé le garçon à baisser son pantalon et lui a donné 10 à 15 coups avec une grande bande en cuir. Souvent, on rasait complètement la tête des filles qui essayaient de s'échapper, afin que tout le monde le sache. C'était horrible. Je me sentais humiliée. Nous devions également frotter les escaliers avec une brosse à dents. 6

Lorsque les élèves qui ne pouvaient pas supporter la séparation de leurs parents et l'environnement difficile s'enfuyaient de l'école et étaient pris par le personnel de l'école ou les agents des Indiens, ils recevaient souvent des coups de ceinture ou étaient frappés avec le martinet, un fouet avec une corde en coton et neuf lanières tressées, couramment utilisé comme châtiment par la marine et l'armée britanniques. 7 Pour des infractions comme la fuite, les élèves étaient également isolés pendant des heures dans des placards noirs, dans la chaufferie ou dans des pièces abandonnées de l'école.

Même des accidents courants chez les enfants comme mouiller son lit étaient sévèrement punis. Lorna, qui a fréquenté l'Institut mohawk de 1940 à 1945, décrit les « thérapies de chocs » infligées aux filles, peu importe si elles mouillaient leur lit ou non.

Ils nous infligeaient des traitements de chocs quand on mouillait notre lit. Plusieurs d'entre nous n'ont jamais mouillé leur lit, mais on en recevait quand même. Ils disaient que ça fonctionnait pour les filles, mais pas pour les garçons. Ils n'ont jamais pu savoir pourquoi, mais je crois que c'est à cause des sévices sexuels en bas... Ils apportaient une batterie, une sorte de moteur ou de gadget, et ils mettaient la main de la fille dessus et ça nous secouait, le courant nous traversait le corps d'un bout à l'autre, il voyageait. Ils répétaient la manœuvre environ trois fois. 8

À l'école Alberni sur l'île de Vancouver, exploitée de 1892 à 1973 par l'Église Unie, les châtiments étaient particulièrement sévères, et les traitements réservés aux enfants étaient souvent brutaux. Marian MacFarlane, membre du personnel en 1961-1962, a été congédiée pour avoir tenté de sauver un jeune enfant qui était battu sévèrement.

Les dentistes locaux recevaient gratuitement de la novocaïne du gouvernement pour les enfants autochtones, mais dans la pratique courante, après la guerre, les dentistes gardaient la novocaïne pour leur pratique à Port Alberni et travaillaient sur les Indiens sans antidouleurs. Tout le monde à l'école le savait et acceptait la situation, du directeur en descendant. Personne ne s'inquiétait lorsque l'on faisait mal aux Indiens; naturellement, ils étaient battus tous les jours.

Pour vous donner un exemple de la mentalité qui prévalait envers les Indiens, un jour, j'ai surpris une matrone en train de battre une petite fille avec une patte de piano. Elle était tout simplement en train de tuer la petite de six ans, et elle aurait réussi si je n'avais pas saisi le bras de la matrone et ne lui avais pas donné un bon coup de poing. Et la matrone qui s'en va se plaindre à John Andrews, le directeur. Nous étions en 1962. Vous savez ce qu'Andrews a fait? Il m'a congédiée pour avoir frappé la matrone! Et vous savez ce qu'il a dit? « Je ne peux pas congédier la matrone parce qu'elle joue de l'orgue le dimanche. Tout ce qu'elle a fait à cette petite squaw est mieux que de perdre notre organiste. » Cet exemple illustre bien la situation : la vie des enfants autochtones n'avait pas de valeur. Ils étaient considérés comme moins que des humains, presque comme une maladie dont il fallait se débarrasser. 9

 

  • 1En 1914, l'Institut mohawk a été poursuivi et sanctionné après que le directeur, Nelles Ashton eut emprisonné pendant trois jours deux filles qui s'étaient échappées de l'école. Les filles ont reçu seulement de l'eau pour survivre. Voir Elizabeth Graham, éd., The Mush Hole: Life at Two Indian Residential Schools (Ontario: Heffle Publishing, 1997), 110.
  • 2Pour consulter des témoignages d'aînés sur l'importance des cheveux dans les cultures amérindiennes et autochtones, voir Elders Talk About the Significance of Long Hair in Native American Culture (vidéo), consultée le 12 mai 2015.
  • 3Elizabeth Graham, The Mush Hole: Life at Two Indian Residential Schools, 23.
  • 4Pour consulter des témoignages douloureux sur ce sujet, voir Garnet Angeconeb, « Garnet’s Journey: From Residential School to Reconciliation », consulté le 26 février 2015.
  • 5Le sacrement de la confirmation est un rite chrétien lors duquel un jeune membre de l'église affirme sa foi. La confirmation souligne le fait que la personne est mature, comprend les enseignements et peut devenir un membre à part entière.
  • 6Geraldine Sanderson, « Running Away, » site Web Residential Schools, consulté le 26 février 2015.
  • 7Site Web Understanding Slavery Initiative.
  • 8Elizabeth Graham, The Mush Hole: Life at Two Indian Residential Schools, 378.
  • 9Marian MacFarlane, témoignage au Harbour Centre forum de l'Université Simon Fraser, Vancouver, C.-B., 9 février 1998.

Credit:
Saskatchewan Archives Board R-A8223 (1)-(2)

Questions de mise en relation

  1. Qu'est-ce que ces récits de châtiment nous révèlent sur l'attitude des responsables de l'école envers leurs élèves? Selon vous, pourquoi les châtiments physiques étaient-ils courants? Qu'est-ce que les responsables de l'école essayaient de réaliser avec les châtiments physiques? À quel moment un châtiment devient-il un sévice?
  2. Comment Marian MacFarlane explique-t-elle la raison pour laquelle les dentistes ne donnaient pas d'antidouleurs aux élèves autochtones? Que représentent de tels gestes? En lisant les différents témoignages des élèves dans la lecture, quelle opinion vous faites-vous de la vie d'un élève dans un pensionnat autochtone? Quels adjectifs les élèves utilisent-ils pour décrire leur expérience?
  3. Comment expliquez-vous la réaction du directeur à la tentative de Mme MacFarlane d'empêcher la matrone de battre l'élève? Quel message était envoyé en congédiant Mme MacFarlane au lieu de la matrone? Qu'auriez-vous aimé que le directeur fasse?

How to Cite This Reading

Facing History & Ourselves, "Châtiment et sévices," last updated October 29, 2019,

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Using the strategies from Facing History is almost like an awakening.
— Claudia Bautista, Santa Monica, Calif