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Définir l'Indien

Deux lois ont constitué le fondement de ce qui allait devenir la politique du nouveau Dominion concernant les relations avec les Premières Nations : l'Acte pour encourager la civilisation graduelle de 1857 et l'Acte pourvoyant à l'émancipation graduelle de 1869.
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  • Genocide

Après la fin de la guerre de 1812 avec les États-Unis qui n'avait pas entraîné de changements importants des frontières, les Canadiens britanniques se sont établis comme la puissance dominante dans la région et ont commencé à planifier un processus de développement de nation. À partir de la deuxième moitié du 19ème siècle, ils étaient prêts à mettre de côté l'existence politique et culturelle des nations autochtones. En 1867, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a unifié trois colonies britanniques pour former les quatre premières provinces du Dominion du Canada, établissant le Canada en tant que fédération de provinces, un dominion sous l'autorité de la Couronne britannique. 1  

Le Canada a hérité de l'héritage colonial britannique, soit les pratiques et les idées concernant les populations autochtones colonisées. Une nouvelle ère des relations entre le Dominion et les Peuples Autochtones commençait. Deux lois ont constitué le fondement de ce qui allait devenir la politique du nouveau Dominion concernant les relations avec les Premières Nations : l'Acte pour encourager la civilisation graduelle de 1857 et l'Acte pourvoyant à l'émancipation graduelle de 1869. Ces deux lois visaient à transformer graduellement les membres des Premières Nations en citoyens canadiens, pourvu qu'ils renoncent à tous leurs liens avec leur patrimoine autochtone en acquérant une éducation euro-canadienne ou qu'ils quittent la réserve et deviennent propriétaires d'une propriété privée. Plus tard, le Parlement canadien a consolidé ces lois avec la  Loi sur les Indiens  de 1876, qui renforçaient les relations précédentes entre les colons et les Premières Nations. Cette loi qui, malgré de nombreuses modifications, existe encore aujourd'hui, a placé les (  Indiens inscrits  ) sous autorité fédérale. Le ministère des Affaires indiennes nouvellement formé régissait pratiquement tous les aspects de la vie des Peuples Autochtones, notamment l'appartenance tribale, l'infrastructure et les services des réserves, les systèmes de gouvernance, la culture et l'éducation. Don McCaskill écrit :

Une fois que les Indiens n'ont plus été utiles à des fins économiques ou militaires, le gouvernement a établi un système de réserves conçu pour « protéger et civiliser » les Autochtones afin de pouvoir finalement les assimiler. La politique était d'établir les Indiens sur les terres et, avec le temps, de les transformer en « citoyens productifs ». En théorie, les Indiens devaient apprendre à faire preuve d'autodétermination et à assumer les responsabilités de leurs propres affaires. Des missionnaires, des enseignants, des agents des Indiens, des juges et des policiers ont été envoyés sur les réserves pour faciliter la transition de la sauvagerie à la civilisation. Les Indiens eux-mêmes avaient peu de choses à dire sur le processus, car ils n'avaient pas de structure politique pour fonctionner efficacement. 2

Mais à long terme, affirme-t-il, le système qui était conçu pour faciliter  l’assimilation  des communautés autochtones dans la société canadienne coloniale a fait exactement le contraire. Il les a isolées sur les réserves et mises de côté : « Encouragé à devenir autosuffisant, on empêchait l'Indien de l'être dans presque tous les domaines : économique, politique et administratif. 3

Bonita Lawrence écrit que, selon la Loi sur les Indiens de 1876, les « seules personnes qui pouvaient se considérer comme des Indiens étaient celles qui pouvaient prouver qu'elles étaient parentes, par la lignée masculine, avec des personnes qui avaient déjà le statut d’Indien ». Le pouvoir d'exclusion de la Loi sur les Indiens était tout aussi grand que son pouvoir d'assimilation. Mme Lawrence poursuit :

Sans le statut d'Indien et l'appartenance à une bande qui va avec, les Autochtones n'étaient pas autorisés à vivre sur un territoire faisant partie d'une réserve indienne au Canada... Ils ne pouvaient pas participer à la vie dans leur propre communauté à moins qu'ils n'aient le statut d'Indien leur permettant d'appartenir à une bande dans cette communauté... l'acte colonial d'établir des définitions de l'indianité, qui empêchaient beaucoup d'Autochtones d'obtenir le statut d'Indien, a permis au gouvernement canadien de retirer un nombre important d'Autochtones de leurs terres. 4

La Loi sur les Indiens a créé des « bandes », soit des désignations qui comprenaient les Premières Nations, mais pas les Métis, les Indiens non inscrits ou les groupes inuits. Dès le départ, la Loi discriminait de nombreuses personnes qui vivaient et  s’auto-identifiaient  comme autochtones, mais qui n'étaient pas incluses dans la définition « d'Indien » de la Loi. Que signifie le statut d'indien? Le document d'origine de 1876 définit une personne comme juridiquement indienne si elle correspond aux critères suivants :

Premièrement, tout individu du sexe masculin et de sang sauvage, réputé appartenir à une bande particulière; deuxièmement, tout enfant d'un tel individu et troisièmement, toute femme qui est ou a été légalement mariée à un tel individu. 5

Toute personne qui était admissible au statut d'Indien pouvait se présenter au Registre des Indiens, qui délivrait une carte d'Indien inscrit comportant l'information sur l'identité, la bande et le numéro d'inscription de la personne.

Bien que le statut d'Indien inscrit accorde certains droits à la personne (p. ex., vivre sur une réserve, appartenance à une bande, exemption d'impôt et quelques avantages financiers), il établissait une relation paternaliste entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. En tout, et ceci est la clé, la Loi sur les Indiens rendait tous les membres des Premières Nations dépendants des institutions gouvernementales pour leurs droits et leurs services, ce qui éliminait unilatéralement leur statut de nations indépendantes. De nombreux critiques affirment que la Loi a essentiellement fait des Premières Nations des « enfants » sous la supervision de l'état et assumait qu'elles étaient incapables de se gouverner elles-mêmes. 6  Légalement, ces enfants étaient en effet les pupilles de l'État.

Initialement, les Indiens inscrits qui obtenaient un diplôme universitaire ou un titre professionnel (p. ex., ecclésiastique ou avocat) devenaient « émancipés » ou obtenaient le droit à une pleine citoyenneté canadienne avec ou sans leur consentement. 7  Mais en obtenant la citoyenneté canadienne (et le droit de vote), ces gens perdaient le statut d'Indien. Certains affirment que le but était de prendre aux bandes des Premières Nations leurs leaders les mieux éduqués et les plus éloquents. La perte du statut menaçait le nombre de membres des bandes, car les personnes étaient forcées de quitter leur réserve et de s'assimiler à la culture canadienne, l'objectif ultime de la Loi sur les Indiens et de ses politiques connexes.

La Loi sur les Indiens, avec l'accent qu'elle mettait sur le statut des hommes, a eu une influence particulièrement négative sur le rôle des femmes dans la société autochtone traditionnelle, qui était caractérisée par un niveau élevé d'égalité des sexes. 8  La Loi et les autres politiques reflétaient le caractère central des hommes dans la société européenne de la fin du 19ème siècle, ce qui signifie que les femmes des Premières Nations ont perdu leur rôle de leadership une fois que l'administration des bandes a été établie par le gouvernement. 9  Le statut des femmes a été érodé davantage encore avec l'Article 12 (1)(b) de la Loi sur les Indiens qui indiquait que le statut d'Indien d'une femme autochtone d'une bande des Premières Nations serait révoqué si elle se mariait avec un homme n'ayant pas le statut d'Indien inscrit. Cela signifiait qu'elle allait également perdre son droit d'appartenance à une bande, ce qui, entre autres conséquences, l'empêcherait de vivre dans sa communauté et d'y jouer un rôle. De plus, la perte du statut s'appliquait à tout enfant que la femme pourrait avoir avec ce conjoint. 10  La Loi allait contre les règles matrilinéaires traditionnelles de descendance de nombreuses sociétés des Premières Nations, dont les Hurons et les Tsimshians. Dans ces nations, l'homme joignait le foyer de la femme qu'il mariait. 11

  • 1Le Canada a acquis son indépendance de la Grande-Bretagne de façon graduelle. La Loi constitutionnelle de 1982 a complété ce processus et mis fin à tous les liens juridiques restants avec le Royaume-Uni.
  • Loi sur les IndiensLoi sur les Indiens : Promulguée par le gouvernement fédéral en 1876, la Loi sur les Indiens regroupait toutes les lois précédentes sur les Premières Nations et les a fait passer sous compétence fédérale. Cette loi a créé le terme « Indien » en tant que catégorie juridique et a défini le statut d'Indien (Indien inscrit), qui excluait les Inuits et les Métis. Elle a donné au gouvernement, par l'entremise du ministère des Affaires indiennes, le pouvoir de créer des lois et des politiques concernant les « Indiens » et les « affaires indiennes » comme l'appartenance, l'infrastructure et les services des réserves, les systèmes de gouvernance, la culture et l'éducation.
  • Indiens inscritsIndiens inscrits : La Loi sur les Indiens de 1876 a créé la catégorie juridique de statut d'Indien qui faisait référence à un Indien inscrit en vertu de la loi. Bien que l'obtention de ce statut offre certains avantages, comme des exemptions de taxes, la Loi sur les Indiens a établi une relation paternaliste entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. (Par exemple, les Autochtones qui vivaient sur une réserve ne pouvaient pas en sortir sans la permission d'un agent des Indiens. De plus, les personnes ayant le statut d'Indien n'ont pas pu voter avant les années 1960.) Ce statut était discriminatoire envers plusieurs personnes qui vivaient et s'auto-identifiaient comme des Autochtones, mais qui n'étaient pas incluses dans la définition d'un Indien de la loi. Cette catégorie juridique, malgré les nombreuses modifications apportées à la loi, existe encore aujourd'hui.
  • 2Don McCaskill, « Native People and the Justice System », dans As Long as the Sun Shines and Water Flows, 289.
  • l’assimilationl’assimilation : Ce terme fait référence au processus par lequel la culture d'un groupe ou d'une personne est absorbée par une autre, pour créer une seule entité culturelle, en abandonnant ainsi une identité collective ou individuelle. Estimant que les cultures autochtones étaient inférieures, le gouvernement canadien, depuis le milieu du 19ème siècle, a adopté une série de politiques visant à assimiler les peuples autochtones à la société des colons canadiens.
  • 3Don McCaskill, « Native People and the Justice System », dans As Long as the Sun Shines and Water Flows, 290.
  • 4« Histoire des Affaires indiennes et du Nord Canada », site Web d'Affaires autochtones et du Nord Canada, consulté le 5 mars 2015. Bonita Lawrence, « Gender, Race, and the Regulation of Native Identity in Canada and the United States: An Overview », Hypatia 18 (2003), 6.
  • s’auto-identifiaients’auto-identifiaient : L'auto-identification signifie se définir soi-même comme quelque chose sans référence ou dépendance à des définitions externes (habituellement juridiques). Historiquement, de nombreux Peuples Autochtones au Canada se sont auto-identifiés, car ils ne cadraient pas dans la définition étroite et discriminatoire de qui était « Indien » de la Loi sur les Indiens.
  • 5Extrait de la Loi sur les Indiens de 1876, « CHAP. 18 : Acte pour amender et refondre les lois concernant les Sauvages », 12 avril 1876.
  • 6En ce qui concerne la loi, M. McCaskill explique : « Le colonialisme implique une relation qui laisse une partie dépendante de l'autre pour définir le monde. Au niveau de l'individu, le colonialisme implique une situation où une personne est forcée de dépendre d'une autre selon des modalités unilatéralement définies par l'autre. Ainsi, le système juridique devient une institution centrale avec laquelle on peut imposer le mode de vie de la société dominante ». Voir McCaskill, « Native People and the Justice System », 289.
  • 7John Milloy, « Le colonialisme selon la Loi sur les Indiens : un siècle de déshonneur, 1869–1969 », Centre national pour la gouvernance des Premières Nations, 2008, consulté le 8 mai 2015.
  • 8Christopher Powell and Julia Peristerakis, « Genocide in Canada: A Relational View », dans Colonial Genocide and Indigenous North America, éd. Andrew Woolford, Jeff Benvenuto et Alexander Laban Hinton (Durham: Duke University Press, 2014), 81.
  • 9Dans la culture de l'Angleterre victorienne, on décourageait les femmes de jouer un rôle dans la vie publique. Elles devaient rester à la maison et s'occuper de la famille. En revanche, les femmes autochtones étaient aussi importantes, voire même plus importantes dans certaines nations, que les hommes pour gérer les affaires de leur clan ou de leur bande. Voir Joanne Barker, « Gender, Sovereignty, Rights », American Quarterly 60, no. 2 (juin 2008), 262.
  • 10Pour plus de détails, voir Bonita Lawrence, « Gender, Race, and the Regulation of Native Identity in Canada and the United States: An Overview », Hypatia 2, vol. 18 (printemps 2003), 7–8.
  • 11Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, 1996, vol. 1, 55.

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— Gabriela Calderon-Espinal, Bay Shore, NY