L'invention de l'« Indien » | Facing History & Ourselves
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L'invention de l'« Indien »

L'un des premiers gestes de la colonisation européenne des Amériques n'a pas été de voler les terres autochtones, mais bien l'attribution d'un nom et plus exactement l'attribution erronée d'un nom.
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  • Genocide

« L'Indien est apparu comme une erreur de l'homme blanc, et est devenu un fantasme de l'homme blanc. À travers le prisme des espoirs, des peurs et des préjugés blancs, les Autochtones étaient perçus comme ayant perdu contact avec la réalité et comme étant devenus des Indiens, ce qui veut dire, tout ce que les non-Autochtones voulaient qu'ils soient. » –Daniel Francis, historien

Depuis l'antiquité, période où les cultures grecque et romaine étaient florissantes, les Européens sont fascinés par les peuples qui vivent ailleurs : les populations à l'extérieur de l'Europe. Les Européens les ont d'abord appelés barbares; ensuite, lorsque l'Europe a adopté le christianisme, ils étaient appelés païens. Plus tard, les Européens sauvages (non civilisés). En raison des moyens de communication et de transport limités, les nouvelles portant sur les Asiatiques, les Africains et ensuite les Américains voyageaient lentement. Lorsque les sources d'information étaient lentes à arriver ou absentes, l'imagination des Européens remplissait les trous avec des idées fausses et des stéréotypes. Rapidement, les mots utilisés pour décrire les non-Européens ont commencé à prendre une connotation négative et romancée, qui était le reflet des peurs des Européens par rapport aux gens qui vivaient ailleurs.

Lorsque les premiers explorateurs européens ont débarqué en Amérique en 1492 avec Christophe Colomb, ils appelaient toutes les populations autochtones du continent des « Indiens », parce qu'ils croyaient être arrivés en Inde. Bien qu'il soit rapidement clairement apparu que ce n'était pas le cas, le nom est resté. L'un des premiers gestes de la  colonisation  européenne des Amériques n'a pas été de voler les terres autochtones, mais bien l'attribution d'un nom et plus exactement l'attribution erronée d'un nom. Les Européens ont affublé plusieurs peuples différents de cette étiquette inexacte. (Ceci étant dit, le premier contact de Colomb avec le « Nouveau Monde » n'était pas seulement avec des mots; il a été extrêmement violent et comprenait la servitude forcée, le kidnapping et les tueries de masse.)

Dans des écrits sur les nouvelles personnes rencontrées, les Européens manifestaient une hiérarchie très claire entre l'Occident supérieur et le « Nouveau Monde » inférieur. En premier lieu, les Européens, qui avaient rapidement développé une culture écrite, avaient tendance à considérer l'histoire et la culture des peuples sans langue écrite comme inférieure. Puisque les traditions autochtones n'étaient pas consignées par écrit, elles étaient jugées comme peu fiables et comme constituant de la mythologie ou de la fiction. 1  Dans la même veine, les Européens rejetaient la spiritualité des Peuples Autochtones parce qu'ils la considéraient comme une superstition; ils rejetaient aussi leur compréhension du monde et de sa création qu'ils considéraient comme un mythe.

Certains écrivains européens voyaient les Peuples Autochtones comme des figures nobles et exotiques. Mais cette image était un mythe en elle-même; l'être noble et libre « présocial » était en grande partie le fruit de l'imagination des Anglais et des Français qui avaient l'idée d'une vie sans les contraintes et la corruption de leur civilisation. Poussée à l'extrême, cette vision des Peuples Autochtones vivant une vie primitive et non civilisée implique qu'ils se comportaient également comme des animaux. Songez, à titre d'exemple, à ce que le prêtre français Louis Hennepin avait à dire sur les Autochtones qu'il a rencontrés en 1683 :

Les Indiens ne se troublent que très peu de nos civilités... Les hommes et les femmes cachent seulement leurs parties intimes... Ils mangent en reniflant et en soufflant comme des animaux... Au final, ils ne s'imposent aucune restriction et vivent simplement comme des animaux. 2

D'autres Européens, y compris de nombreux missionnaires qui ont travaillé au Canada colonial, jugeaient les populations autochtones à travers le prisme de la religion. Pour eux, ces « enfants de la nature » étaient l'exemple vivant du récit biblique d'Adam et Ève. Dans leur jardin d'Eden, ils menaient une existence bienheureuse, comme des enfants, ignorant le péché. 3  Certains chrétiens les ont appelés les nobles sauvages et estimaient qu'avec le temps et un milieu religieux approprié, l'« Indien primitif » pouvait parvenir à la civilisation comme l'homme européen moderne. 4

Certains Européens croyaient également que les différences entre les cultures n'étaient pas innées, car tous les humains étaient semblables aux yeux de Dieu. Comme l'un des premiers missionnaires en Amérique du Nord le disait aux Autochtones qu'il rencontrait, le dieu chrétien « est un dieu qui aime ceux qui le cherchent de tout leur cœur, et qui entend les prières de tous les hommes, Indiens comme Anglais. » 5  Cette idée est l'un des principaux moteurs de l'établissement des pensionnats religieux. 6  Ainsi allait l'idée d'un Indien semblable à un enfant : ces gens allaient devenir les gardiens de l'état pour leur propre protection, afin qu'ils puissent être civilisés et, à long terme, qu'ils puissent devenir des membres de la société canadienne européenne.

Mais pour certains, l'écart entre le païen sans religion et le chrétien était trop grand pour être comblé. Au milieu du 19ème siècle, l'impatience face au progrès de la civilisation a mené à de la frustration et à un autre stéréotype. À ce moment, certaines personnes voyaient ces gens non seulement comme des sauvages, mais aussi comme des « Indiens misérables » : des êtres sournois, vils et détestables 7 . À la fin du 19ème siècle, les représentants canadiens avaient adopté une idée semblable et ont lancé une campagne pour assimiler l'Indien à l'aide des pensionnats.

  • colonisationcolonisation : Ce terme fait référence à une situation où une nation envahit et colonise une région habitée par d'autres personnes, les Peuples Autochtones. À titre d'exemple, la région connue sous le nom d'Amérique du Nord a été colonisée par les Européens à partir du 16ème siècle aux dépens des populations autochtones qui y vivaient depuis des millénaires.
  • 1Comme l'affirme un chercheur : « Puisque l'Autochtone n'avait pas de documents écrits lorsque le premier homme blanc est arrivé sur le continent, ce dernier a jugé que l'Autochtone n'avait pas de passé ». George F. G. Stanley, « As Long as the Sun Shines and Water Flows: A Historical Comment » As Long as the Sun Shines and Water Flows: A Reader in Canadian Native Studies, éd. Ian L. Getty et Antoine S. Lussier (Vancouver: University of British Columbia Press, 2000), 1–2.
  • 2Louis Hennepin, Description de la Louisiane par le père Louis Hennepin, missionnaire récollet, trans. John Gilmary Shea (New York: John G. Shea, 1880).
  • 3L'image du « noble Sauvage » persiste dans une forme très moderne : le « noble Sauvage écologiste » qui suggère que la vie autochtone était non seulement plus pacifique, mais également plus respectueuse de l'environnement et harmonieuse que la société moderne ne le permet. Voir Shepard Krech, The Ecological Indian: Myth and History (New York: W. W. Norton, 1999), 19–23.
  • 4Carol L. Higham, Noble, Wretched, and Redeemable: Protestant Missionaries to the Indians in Canada and the United States, 1820–1900 (Albuquerque: University of New Mexico Press, 2000), 33.
  • 5Martin Moore, Memoirs of the life and character of Rev. John Eliot [1904-1690] (Boston: Flag & Gould, 1822), 25.
  • 6Carol L. Higham, Noble, Wretched, and Redeemable, 67–68.
  • 7Carol L. Higham, Noble, Wretched, and Redeemable, 67–68.

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