Construire le système des pensionnats autochtones | Facing History & Ourselves
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Construire le système des pensionnats autochtones

L'un des historiens les plus importants sur les pensionnats, James R. Miller, estime qu'un grand nombre d'élèves autochtones étaient, dans les faits, éduqués dans les écoles de jour, bien que les pensionnats aient laissé les marques les plus douloureuses et durables sur les communautés autochtones.
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  • Genocide

À partir de 1883, le gouvernement fédéral cherchait un système pour enrôler les enfants autochtones dans les écoles. L'école de jour et les écoles industrielles allaient être utilisées conjointement avec les pensionnats pour répondre à ce défi croissant. L'un des historiens les plus importants sur les pensionnats, James R. Miller, estime qu'un grand nombre d'élèves autochtones étaient, dans les faits, éduqués dans les écoles de jour, bien que les pensionnats aient laissé les marques les plus douloureuses et durables sur les communautés autochtones. Les écoles de jour étaient elles aussi dirigées par les autorités municipales et les églises, et elles visaient les mêmes buts que les pensionnats autochtones. Ainsi, de nombreux problèmes et abus relevés dans les pensionnats étaient également le lot des écoles de jour. 1

Le gouvernement a commencé avec un budget modeste de 44 000 $ par année en 1883. Toutefois, cet argent venait principalement des coupures du gouvernement dans les dépenses pour les autres besoins des communautés autochtones. Les historiens affirment que ces coupures indiquent l'engagement limité du gouvernement à investir dans le programme, financièrement ou autrement, dès le début. Malgré son discours affirmant le besoin urgent de civiliser les Peuples Autochtones, le gouvernement était déterminé à les éduquer à moindre coût en se fiant lourdement aux églises et à leurs alliés. 2  Puisque la plus grande partie du fardeau financier reposait sur les écoles locales, celles-ci ont essayé de imposer les coûts aux parents, souvent avec peu de succès. La plupart des écoles utilisaient les enfants sous leur garde pour fabriquer des vêtements, cultiver des légumes, élever des animaux pour la nourriture et effectuer les corvées nécessaires aux opérations quotidiennes des écoles.

Devant l'ampleur que prenait le système, Ottawa a craint qu'il ne devienne trop coûteux. Dès 1892, à peine quatre ans après le lancement du plan, le gouvernement a adopté un nouveau système financier dans lequel les écoles recevaient une allocation fixe pour chaque élève (une subvention par personne). En peu de temps, les écoles qui n'avaient pas déjà de la difficulté ont commencé à ressentir le manque de financement, et plusieurs écoles ont affiché un déficit important. C'était une mauvaise nouvelle pour tous les intervenants; il n'y avait pas assez d'argent pour effectuer les réparations, embaucher le personnel nécessaire, verser des salaires convenables ou nourrir correctement les élèves. 3

Le résultat immédiat a été une pression accrue d'utiliser le travail des élèves pour fournir des biens, de la nourriture et des services. Qui plus est, une fois le système per capita en place, les écoles ont lutté pour recruter le plus d'élèves possible pour obtenir une plus grosse subvention. Les écoles étaient maintenant en concurrence pour de nouveaux élèves (même jusqu'à la fin des années 1950) et se « volaient » souvent des élèves, puisque plus elles avaient d'élèves, plus elles obtenaient d'argent. Ces conflits ont fait croître la méfiance dans les communautés autochtones, ajoutant aux préoccupations voulant que les écoles n'atteignissent pas les normes scolaires de base. 4  Plusieurs parents refusaient maintenant tout simplement d'envoyer leurs enfants dans les établissements dirigés par les églises. Dans ce contexte, la majorité des communautés autochtones ont senti que les écoles violaient leurs droits et leurs attentes, et que le gouvernement prenait leurs enfants de force.

Au tournant du 20ème siècle, certains représentants du gouvernement ont pris conscience que les écoles n'atteignaient pas leurs objectifs. Les preuves indiquant à quel point les écoles étaient négligentes et dangereuses pour les élèves ont commencé à s'accumuler : on rapportait des immeubles décrépis, un manque de combustible pour le chauffage, une alimentation mauvaise et insuffisante, des conditions de vie insalubres, des maladies répandues et, par-dessus tout, un mécontentement généralisé chez les élèves autochtones. Sur le plan scolaire, le portrait n'était pas vraiment différent et, en fait, reflétait l'échec général du projet de pensionnats : l'historien James R. Miller a résumé la situation en affirmant que « le système en entier déclinait dans une médiocrité uniforme ». 5  Le gouvernement a fait preuve de peu de leadership, et le clergé responsable a dû décider quoi enseigner et comment l'enseigner. Leur priorité était d'inculquer les enseignements de leur église ou de leur ordre, pas de fournir une bonne éducation qui aurait aidé les élèves dans leur vie après l'école. 6  De plus, la distinction entre les écoles industrielles et les pensionnats s'amenuisait au milieu des critiques affirmant qu'aucune des deux écoles n'arrivait à enseigner correctement des compétences ou des métiers. Finalement, en 1923, la distinction nominale a été abolie et les deux institutions sont devenues des pensionnats.

Les Premières Nations ont été la principale cible des pensionnats autochtones, le système d'éducation que ce guide explore en détail. Pendant des années, les Autochtones formaient la majorité des élèves dans ces écoles. Pour les Inuits, les pensionnats ont commencé beaucoup plus tard que dans d'autres régions du Canada. Pendant des décennies, le gouvernement a choisi de ne pas aborder les défis économiques et sociaux des Inuits. Lorsqu'il s'est décidé à le faire, il a mis en place la même politique éducative qu'ailleurs. Ce n'est qu'en 1951, lors de l'ouverture de la première école à Chesterfield Inlet, que le gouvernement canadien a commencé à s'impliquer davantage. Avec le déclin des revenus tirés de la fourrure et de la pêche, le gouvernement craignait que les Inuits aient besoin de l'aide de l'État. Ainsi, il a commencé à forcer les enfants inuits à fréquenter des pensionnats ou des maisons d'hébergement qui étaient des résidences plus petites pour les élèves. 7  Selon le gouvernement, l'éducation occidentale allait aider les Inuits à s'aider eux-mêmes. En juin 1964, après des pressions grandissantes et des menaces du gouvernement, près de 4 000 enfants inuits, ou 75 % des jeunes âgés de 6 à 15 ans, fréquentaient des écoles résidentielles. 8

Les vastes distances entre les communautés de la région ont ajouté à ce qui était, de toute façon, une expérience tragique pour la plupart des élèves des pensionnats. L'exemple le plus flagrant est que dans les régions arctiques et subarctiques, les élèves étaient enlevés à leurs parents, emmenés en avion à des centaines de kilomètres et ne revoyaient pratiquement jamais leurs parents.

Les écoles traitaient également les élèves métis de façon différente. De façon générale, puisque le gouvernement ne reconnaissait pas le statut d'Indien aux Métis, les élèves métis ont été moins nombreux dans les pensionnats (les écoles faisaient partie de la protection que le gouvernement offrait aux Indiens inscrits). Malgré cela, de nombreux Métis se sont quand même retrouvés dans les pensionnats. Comme l'expliquent les auteurs de Histoire et expériences des Métis et les pensionnats au Canada :

Jusqu’à 1910, bon nombre de Métis, particulièrement ceux qui habitaient dans les réserves ou près de celles-ci, fréquentèrent les écoles industrielles et les pensionnats. Un nouvel accord fut alors négocié entre les églises et le ministère des Affaires indiennes. L’accord précisait que seuls les enfants appartenant aux bandes indiennes pouvaient fréquenter les pensionnats et que les autorités devaient refuser « l’admission dans les pensionnats des enfants de sang-mêlé à moins que le nombre d’enfants indiens ne soit insuffisant ». Le ministère des Affaires indiennes stipula qu’il n’accorderait pas de subvention, ni ne paierait une quelconque partie des coûts d’entretien ou d’éducation d'un enfant métis admis dans ces écoles. C’est grâce à la charité des églises que certains Métis ont été autorisés à fréquenter ces écoles, car peu de parents étaient en mesure de payer les frais. Il y avait un certain nombre de Métis dans presque toutes les écoles. 9

L'une des raisons de leur présence dans les pensionnats était les efforts du gouvernement pour aborder la perception de pauvreté généralisée dans les communautés autochtones. Pendant les années 1960, le gouvernement a séparé quelque 20 000 enfants de leurs parents autochtones, sous prétexte d'offrir une forme d'aide sociale. Patrick Johnston, dans un rapport de 1983 intitulé Native Children and the Child Welfare System (Les enfants autochtones et le système d'aide sociale), a inventé le terme Sixties Scoop (rafle des années soixante en français) pour décrire cette pratique largement répandue. Ces enfants victimes de la rafle étaient envoyés dans des familles d'accueil, qui n'étaient souvent pas mieux outillées pour s'occuper d'eux, et plusieurs se sont retrouvés dans les pensionnats. 10  D'autres ont été envoyés aux États-Unis pour être adoptés.

Au fil des ans, en raison de la négligence et du manque de financement, les pensionnats ont vu plusieurs décès. Les élèves vivaient dans des dortoirs surpeuplés et étaient rarement isolés lorsqu'ils étaient malades, ce qui rendait les écoles particulièrement vulnérables aux épidémies, notamment la tuberculose et la grippe (l'épidémie de grippe espagnole de 1918 a frappé durement les pensionnats). Jusqu'à maintenant, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a confirmé le décès de plus de 6 000 enfants, et il y en aurait probablement eu plusieurs autres. À mesure que s'accumulent les preuves de négligence et d'abus, il apparaît clairement que ces enfants ne sont pas morts des suites de la maladie ou de causes naturelles. 11

Certains de ces problèmes ont été connus dès le début, mais ils ont été sciemment ignorés. À titre d'exemple, le Dr Peter H. Bryce, qui était inspecteur médical pour le ministère des Affaires indiennes (MAI) au début des années 1900, a mené une enquête et produit un rapport sur les conditions dans les pensionnats des Prairies, et ses conclusions ont été ignorées si ce n'est rejetées d'emblée. Il a découvert que les conditions sanitaires étaient si épouvantables et que le niveau d'infection à la tuberculose était si élevé « qu'il met en danger la santé des Indiens de l'Ouest en général. » 12  Dans son rapport de 1907, le Dr Bryce affirme que sur les élèves des écoles sur lesquelles il a enquêté « 7 % étaient malades ou en mauvaise santé et 24 % étaient déclarés décédés. » Il a cité le manque de ventilation et le chauffage excessif comme principales raisons pour la propagation de la maladie dans les pensionnats. 13  En réponse aux critiques du Dr Bryce et de ses collaborateurs, le MAI a nommé en 1909 Duncan Campbell Scott comme directeur de l'éducation des Indiens.

  • 1« Pensionnats indiens - Lieu et nombre », site Web de la Commission de vérité et réconciliation, consulté le 18 juin 2015.
  • 2James R. Miller, Shingwauk’s Vision: A History of Native Residential Schools (Toronto: University of Toronto Press, 2009), 125.
  • 3Donald J. Auger, Indian Residential Schools in Ontario, 15.
  • 4James R. Miller, Shingwauk’s Vision: A History of Native Residential Schools (Toronto: University of Toronto Press, 2009), 135.
  • 5James R. Miller, Shingwauk’s Vision: A History of Native Residential Schools (Toronto: University of Toronto Press, 2009), 135.
  • 6P. Raibmon, « A new understanding of things Indian: George Raley’s negotiation of the residential school experience », BC Studies no. 110 (Été 1996), 72.
  • 7Commission de vérité et réconciliation du Canada, Ils sont venus pour les enfants, 56.
  • 8« Residential Schools », site Web de Pauktuutit Inuit Women of Canada, consulté le 5 mars 2015.
  • 9Larry N. Chartrand, Tricia E. Logan et Judy D. Daniels, Histoire et expériences des Métis et les pensionnats au Canada (Ottawa : Fondation autochtone de guérison, 2006), 33.
  • 10Margaret Philp, « The Land of Lost Children », The Globe and Mail, 21 décembre 2002, consulté le 10 septembre 2014.
  • 11Jorge Barrera, « Truth and Reconciliation Commission Piecing Fragments from History’s Shadows to Find the Missing Children », site Web APTN National News, 29 mars 2014, consulté le 30 septembre 2014.
  • 12James R. Miller, Shingwauk’s Vision: A History of Native Residential Schools (Toronto: University of Toronto Press, 2009),134.
  • 13Peter Henderson Bryce, Report on the Indian schools of Manitoba and the North-West Territories (Ottawa: Government Printing Bureau, 1907), 18. Le Dr Bryce (1853–1932) a été médecin inspecteur en chef des ministères de l'Intérieur et des Affaires indiennes.

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Using the strategies from Facing History is almost like an awakening.
— Claudia Bautista, Santa Monica, Calif